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From Angers to Dakar

Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme

25 Août 2014, 18:14pm

Publié par Marie Deguine

Une des particularités des musulmans au Sénégal est leur appartenance ou non à une confrérie.

Je vais vous parler de la deuxième confrérie la plus importante au Sénégal, j’ai nommé la confrérie des Mourides, fondée par l’omniprésent Bamba, également appelé Serigne Touba, du nom de la capitale du mouridisme.

Bamba est partout dans le pays, on trouve des inscriptions sur les bus, les devantures des magasins, les taxis… : Bamba Fepp ou encore sa traduction : Bamba partout, Dieureudieuf (=Merci) Serigne Touba, Beugue (=J’aime) Bamba, etc. L’image typique peinte également un peu partout est Bamba lui-même, représentant la seule photo de lui.

Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme

Je préfère préciser que bien sûr, je ne vais pas ici prêcher pour le mouridisme, mais simplement rapporter au mieux les paroles engagées du Sérigne qui nous a guidés lors de notre visite à Touba. Je vous demande donc de ne pas (forcément) prendre pour argent comptant tout ce qui va suivre !

Parlons tout d’abord de la vie de Cheikh Ahmadou Bamba. Il est né en 1853. En 1888, il décide de fonder à Touba une voie directe sur le chemin de Dieu. Le Sénégal est alors divisé en deux parties, d’un côté les français, localisés sur Saint-Louis, Dakar, Gorée et Rufisque, et de l’autre, les sauvages, les rois animistes. Le mouridisme est une doctrine émanant de la religion musulmane puisque Bamba désire simplement que l’Islam soit pratiqué correctement. Il a trois ambitions : tout d’abord, pacifiquement, continuer l’expansion de l’Islam, puis promouvoir la "race noire" et enfin véhiculer l’enseignement du prophète.

Avec Bamba, c’est donc la fin du meurtre des petites filles, des guerres, des vols, le début de l’instruction des femmes. Il prône le partage, il suffit de se contenter de ce que l’on a. Se mettant au service de l’humanité, il crée des hôpitaux, des écoles…et les gens commencent à l’aimer. De l'autre côté, les colons commencent à avoir peur de la vénération que porte le peuple à Bamba. Les renseignements généraux l’accusent donc d’avoir offensé le Gouverneur d’Outre-mer et Bamba, malgré sa pacification, est jugé à Saint-Louis en 1895, envoyé à Dakar en train puis mis sur un bateau pour partir en exil au Gabon car emprisonné au Sénégal, les talibés que Bamba a formé risqueraient de venir le délivrer.

A ce stade, Bamba va faire des miracles. Tout d’abord, emprisonné dans un cachot empli de clous, il en ressortira sain et sauf. Dans un autre cachot, c’est avec cette fois un lion affamé de 12 jours de privations que l’on enferme Bamba. Mais le lion ne le dévore pas, et va même s’incliner et lui prêter allégeance. Une fois le cachot ouvert, le lion dévorera les 12 gardes. Par la suite, sur le bateau, près de Conakry, les colons voulant l’empêcher de prier, Bamba prend son tapis de prière et le jette sur la mer. Puis, il vole jusqu’au tapis, peut ainsi prier et revenir de même sur le bateau, sans une goutte d’eau sur le front. Enfin, on l’enferme dans un autre cachot avec cette fois une belle femme nue. Bamba verse alors son pot d’encre sur le corps de la femme et celle-ci se change en grenouille. Puis il verse sa tasse de café et la grenouille se change en poule. Le lendemain, les gardes en ouvrant la porte ne trouve pas la femme nue, et Bamba vers alors tour à tour la tasse de café puis l’encre. La femme apparait et ne se souvient alors de rien. Pas d’adultère commis, l’impensable s’est produit.

Après 7 ans et 7 mois d’exil dans la forêt équatoriale du Gabon, Bamba revient à côté de Touba pendant 7 mois, protégés par ses talibés. Puis le Gouverneur du Sénégal écrit une lettre au Roi mauritanien et Bamba est jeté en prison en Mauritanie, à 200 km du fleuve pour 4 ans. Mais, les Berbères vont lui prêter allégeance au fur et à mesure.

Il retourne à Touba. Les français ont maintenant compris que l’homme était un réel pacifique et lui décerne la légion d’honneur, qu’il refuse. Avant sa mort, il lance la construction de la Grande Mosquée de Touba, où il est inhumé en 1927. Après avoir eu le permis de construire et le chemin de fer, la construction de la Mosquée commence enfin en 1933 et se termine 30 ans plus tard. On trouve 313 colonnes faites de marbre et de stuc (plâtre sculpté puis peint) marocain, représentant les 313 gardes de l’ange Gabriel.

Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme

La Grande Mosquée de Touba est la plus grande de l’Afrique de l’Ouest. Le plus haut des cinq minarets fait plus de 86 m de haut, ce qui donne à l’appel à la prière une portée de 2 km.

Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme
Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme

Actuellement, deux autres minarets sont en construction. Depuis la mort de Bamba, les « califes » sont ses fils. Chaque calife veut apporter sa touche personnelle à l’édifice. Par touche personnelle, je suis peut-être un peu légère, la décoration intérieure entière de la Grande Mosquée est actuellement refaite. Des mosaïques « d’essais » ont été posées en attendant que le calife fasse son choix.

Stuc et mosaïques d'essais
Stuc et mosaïques d'essais
Stuc et mosaïques d'essais

Stuc et mosaïques d'essais

Ce sont des sommes astronomiques dépensées et on ressent pleinement l’opulence de ce mouvement.

Le stuc est en train d'être peint.
Le stuc est en train d'être peint.

Le stuc est en train d'être peint.

Le marbre rose vient directement d’Italie, et est fixé au mur par des joints pour que, avec la chaleur, les plaques puissent avoir une certaine liberté.

Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme

Les maisons autour de la mosquée appartiennent aux fils du marabout fondateur, Bamba. Ceci afin d'avoir la possibilité d’agrandir la mosquée si besoin. Dans la cour de la mosquée, on trouve le mausolée de Bamba et de son fils aîné. Des pèlerins y chantent des khasaides (prières religieuses sous forme de chant) en permanence (enfin quand nous y sommes passés, c’était probablement l’heure de la pause puisque les pèlerins dormaient par terre…).

Le cimetière est accessible même aux non-croyants donc nous avons pu y faire un tour. A l’entrée, les salles du dernier lavement et de la dernière prière. Le premier talibé de Bamba, et son plus célèbre disciple, Lamp Fall, a lancé une communauté de vie, les Baye Fall, que je développerai dans un prochain article. Devant le mausolée de Lamp Fall, des Baye Fall chantent des khasaides. Nous avons été témoins d'un moment d'intense humilité quand le guide a salué son père en s'agenouillant, le front touchant presque terre...

Nous avons également visité la Bibliothèque, avec la permission du régisseur et après une longue tirade de sa part. La Bibliothèque accueille notamment les 7,5 tonnes d’écrits de Sérigne Touba…hé oui ! Bamba a écrit sur tout : la nourriture, l’histoire, l’agriculture, les mathématiques, la philosophie, mais surtout sur le Coran avec des poèmes inspirés des versets à l’intention des mourides.

Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme
Touba, voie directe sur le chemin de Dieu et capitale du mouridisme

A Touba, on ne trouve aucune représentation étatique. On ne fume pas, on ne boit pas. On ne fait pas de sport de masse, ce qui implique même la lutte sénégalaise... La gymnastique est bien entendu interdite aux femmes, sauf chez elles. La ville est dédiée au culte de Dieu. Touba est une ville en grande expansion et est devenue la deuxième ville du Sénégal, derrière Dakar. Autour de la ville, des milliers d’habitations sont en construction.

Chaque année, à la date d’anniversaire du départ en exil de Bamba en 1895, une fête est célébrée, ce qui est l’occasion pour de nombreux pèlerins de venir rendre grâce à Dieu dans cette ville sainte. Cette année, attention, 6 à 7 millions de pèlerins sont attendus pour célébrer le Magal. Ce pèlerinage sera bientôt plus important que celui de la Mecque… L’Islam interdisant l’adoration exceptée celle de Dieu, on pourrait critiquer le culte que vouent les mourides à Bamba et à ses fils… En tout cas, notre visite s’est faite dans le calme et a été un moment spirituel que même nous, pauvres agnostiques, avons pleinement vécu. J’ai quand même tiqué quelques fois, notamment lors du moment « Droit des femmes » enfin devrais-je dire « Non-droit » puisque je me suis laissée entendre qu’en ma qualité de femme, je n’avais aucun droit. Même mes cheveux cachés sous le foulard se sont dressés… J’ai baissé la tête et regardé mes pieds nus, ça valait mieux et aurait été inutile de défendre la cause féminine en cette ville sainte..

Derrière au fond, la Source de la Miséricorde, l’eau bénite de Touba.

Derrière au fond, la Source de la Miséricorde, l’eau bénite de Touba.

En tout cas, il est indéniable que Bamba a considérablement œuvré pour l’Islam au Sénégal, défendant la valeur du partage, du travail - valeur typiquement wolof et prônant l’enseignement du Coran ainsi que les préceptes du prophète. Touba, ville à découvrir, une fois au moins...

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D
Pourquoi evoquer le soit disant non droit des femmes? Vivez vous a touba? L'islam est une religion qui aime et protege tellement les femmes
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